Climax
Réalisateur: Gaspard NoéDate: 2018
Genre: Thriller, drame
Nationalité: France
Enivrant, hypnotisant, étourdissant, Gaspard Noé vous invite à la fête. Climax met en scène un groupe de danseurs lors de leur dernière répétition et leur dernière fête avant les représentations. Les expériences sont nombreuses et diverses dans les films de Noé, ici il nous propose une véritable expérience sensorielle lors d’un bad trip commun. Nombreuses sont les références à ses précédentes œuvres, dans les choix des cadrages et des décors ou de certains événements. C’est par un plan séquence montrant des interviews de danseurs face caméra que commence le film. Ces interviews passent sur une télé rétro entourée de DVD de grandes œuvres cinématographiques et de livres sur le cinéma ayant inspiré le réalisateur, à la fois un clin d’œil et une façon de s’intégrer parmi eux symboliquement. Par la suite, Noé réussit le coup de maître de filmer énergiquement en plan séquence de 15 minutes la chorégraphie très mouvementée des danseurs comme entrant en transe chacun indépendamment des autres bien qu’entrant en phase, en communion les uns avec les autres. De ce bordel organisé émergera le chaos sans réel retour en arrière possible.
Ce premier plan séquence ne fait que poser les bases, comme pour montrer l’union avant la décadence et la haine. Ce n’est pas un coup d’essai pour Noé, ici encore le film est entièrement filmé en plusieurs plans séquences. La différence avec les précédents films est qu’il prend indéniablement du gallon. Ses plans séquences sont incroyablement bien réalisés, mouvementés, hypnotisants, un réel défi technique relevé haut la main. D’autant plus qu’ils se font de plus en plus violents, étourdissants et oppressants. Plus le film avance, plus notre seul souhait et que la caméra se pose enfin et que tout s’arrête à l’instar des personnages, de plus en plus effrayés et en danger. Les seuls plans fixes arrivent brutalement après le plan séquence de danse. On se pose alors pour écouter des groupes discuter à propos des autres. La violence de cette soudaine stabilité et de leurs mots est déjà annonciatrice de la violence à venir, tout comme la transe dans laquelle ils se mettent lors de leur danse. Un carton annonce d’ailleurs au début du film « Un film français et fier de l’être ». Or, les acteurs de diverses nationalités, ethnies et cultures vont très vite se confrontés voir même s’entretuer tachant presque de sang le drapeau français accroché dans la salle. Noé fait-il ici une critique du nationalisme et du racisme et des violences qui en découlent ? Il rappelle plus tard dans le film « Vivre est une impossibilité collective ».
Le film est tout simplement incroyable. Il parvient à nous faire sentir comme si nous étions en plein bad trip sous acides. A travers des plans instables, décadrages et mouvements incessants, le spectateur se sent vite déstabilisé et étourdi, s’identifiant parfaitement à un personnage qui aurait pris part à la fête. Ajoutons à cela le talent des acteurs-danseurs extrêmement convaincants dans leurs rôles en partie improvisés. Tous jouent à merveille la détresse, l’ivresse, la transe et la folie. Si bien que ça en devient vite d’autant plus dérangeant.
Noé joue sur un univers restreint dans un huis clos à la dominance de rouge rappelant la violence et la folie. La mise en scène, le jeu d’acteur, les cris, la musique et les mouvements de caméra sont un tout étourdissant, épuisant et terriblement oppressant. C’est pour cette raison qu’on ne connaît pas le responsable de ce bad trip commun menant à la folie collective et à la violence. La musique a également pour but de frustrer : des chansons connues passent sans arrêt sans parole, créant encore une fois un décalage perturbant.
Impossible de ne pas se sentir englouti dans cette vague de folie, ni de ne pas ressentir d’empathie envers ces personnages s’auto mutilant, s’entre tuant ou hurlant de peur recroquevillé dans un coin. Or, on reste tout de même très conscient, notamment lorsqu’une mère va jusqu’à enfermer son enfant sous acide dans une pièce avec un tableau électrique hurlant à la mort jusqu’à l’étreindre en touchant le dit tableau.
Climax n’est pas le film le plus dur de Noé en ce qui concerne le sujet mais est selon moi l’expérience la plus forte et particulière qu’il n’ait offert dans un de ses films. Ce film est un réel coup de cœur en tous cas.
Curieux de voir ce film dont tu parles avec tant d’enthousiasme communicatif. J’aime bien la mise en danger de Gaspar Noé à chaque long métrage. Merci Amandine, belle semaine à toi 🙂
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Moi aussi j’aime beaucoup ! Bonne semaine à toi aussi 🙂
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